Photo : Euronews
Le 17 avril 2025, la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est rendue à Washington pour une visite diplomatique particulièrement scrutée. Face à un Donald Trump en position de force dans la course à la présidentielle américaine, cette rencontre visait autant à apaiser les tensions transatlantiques qu’à défendre les intérêts économiques de l’Italie, prise dans l’étau de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.
Cette visite a mis en lumière son positionnement stratégique en tant que pont entre l’Union européenne et les États-Unis. Tandis que Bruxelles se montre de plus en plus critique face aux hausses tarifaires américaines, notamment sur les produits industriels et agricoles européens, Rome a choisi la voie du dialogue. En cela, Meloni endosse un rôle de médiatrice, à la fois proche des institutions européennes et capable de dialoguer avec l’ancien président américain, dont l’influence reste déterminante.
Son objectif affiché : éviter que l’Italie soit lourdement pénalisée par une nouvelle vague de droits de douane que Donald Trump menace d’imposer. Parmi les produits ciblés : les vins, les fromages, les machines-outils et les articles de luxe – tous des piliers de l’exportation italienne.
L’économie italienne est particulièrement vulnérable à un durcissement de la politique commerciale américaine. En 2023, les exportations italiennes vers les États-Unis ont atteint près de 69 milliards d’euros, représentant près de 10 % de ses exportations totales. Les États-Unis constituent ainsi le deuxième marché hors UE pour les produits italiens, après la Suisse.
Cependant, depuis le début de l’année 2025, plusieurs signes montrent que le protectionnisme américain commence à mordre :
- Le gel temporaire des exportations de vin italien vers les États-Unis en mars 2025 a entraîné une perte de plus de 500 millions d’euros pour les producteurs.
- La perspective de droits de douane de 25 à 35 % sur les produits agroalimentaires, évoquée par les conseillers de Trump, inquiète l’ensemble du secteur, qui emploie plus de 900 000 personnes en Italie.
- L’industrie manufacturière, en particulier les PME de la mécanique de précision et des équipements industriels, craint une perte de compétitivité sur le marché américain, clé de leur croissance.
Face à ces menaces, l’Italie tente d’anticiper en diversifiant ses débouchés. Le gouvernement italien a ainsi multiplié les accords bilatéraux avec des pays d’Amérique latine, du Golfe et d’Asie du Sud-Est. Les exportations vers le Vietnam, le Mexique et l’Inde ont augmenté respectivement de 18 %, 22 % et 25 % en 2024. Mais ce redéploiement commercial est encore insuffisant pour compenser un recul significatif sur le marché américain.
Par ailleurs, les milieux industriels italiens militent pour une stratégie industrielle européenne coordonnée, afin de protéger les chaînes de valeur critiques face aux turbulences de la guerre commerciale sino-américaine. Meloni a réitéré ce message à Washington, appelant à des exemptions spécifiques pour les produits italiens et à une meilleure coordination UE-USA sur les politiques douanières.
Cette visite intervient également dans un contexte de tensions commerciales globales : les nouvelles taxes imposées par les États-Unis sur les produits chinois bouleversent les dynamiques du commerce mondial. En 2025, les projections de l’OMC indiquent une contraction de 1 % du commerce mondial, contre une croissance de 2,6 % en 2024. Les répercussions se font sentir sur toute la chaîne logistique, du transport maritime aux industries manufacturières.
Pour l’Italie, la guerre commerciale entre Washington et Pékin est une double peine. D’un côté, elle subit les effets indirects des mesures protectionnistes américaines. De l’autre, elle affronte la concurrence accrue de produits chinois détournés du marché américain, notamment dans les secteurs du textile, de l’électronique et de la sidérurgie.
Giorgia Meloni espère obtenir des garanties de la part de Donald Trump, mais son influence reste incertaine face à l’imprévisibilité du magnat républicain. Néanmoins, sa démarche souligne une tendance plus large : la nécessité pour les pays européens d’assumer un rôle diplomatique actif dans un monde fragmenté, où les logiques de blocs et de confrontation commerciale dominent.
Si les discussions entre Rome et Washington n’ont pas encore produit d’annonces concrètes, elles montrent que l’Italie entend défendre ses intérêts avec pragmatisme. Dans les mois à venir, la capacité de Meloni à naviguer entre Bruxelles, Pékin et Washington pourrait s’avérer déterminante pour l’avenir industriel et commercial de son pays.
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