Bruxelles durcit le ton face à la Big Tech américaine dans un contexte de rivalités géopolitiques

Photo : Areion24.news

L'Union européenne vient d'infliger des sanctions historiques à deux des plus puissants acteurs de la tech mondiale. Le mardi 23 avril 2025, la Commission européenne a annoncé des amendes de 500 millions d'euros contre Apple et de 200 millions d'euros contre Meta pour non-conformité avec le Digital Markets Act (DMA), une réglementation entrée en vigueur en 2023 pour encadrer les pratiques des "gatekeepers" du numérique.

Cette initiative marque une nouvelle étape dans l'affirmation de la souveraineté numérique de l'Europe face aux géants américains, dans un contexte de tensions croissantes entre Bruxelles et Washington.

Apple est accusé de ne pas avoir suffisamment ouvert son système d'exploitation iOS à des services concurrents, notamment en limitant l'accès aux systèmes de paiement et aux boutiques d'applications tierces. Meta, de son côté, est sanctionné pour avoir forcé ses utilisateurs européens à accepter un modèle de publicité personnalisée sous peine de se voir interdire l'accès à ses plateformes, contrevenant ainsi à l'esprit du consentement libre et éclairé.

Ces amendes sont les premières d'une série potentielle dans le cadre du DMA, qui vise à empêcher les géants de la tech de verrouiller les marchés numériques et de nuire à la compétition. Elles interviennent à l'issue de plusieurs mois d'enquêtes techniques et juridiques menées par les services de la Commission.

De nombreuses PME et startups européennes du numérique ont accueilli ces sanctions comme un signal fort de la part de Bruxelles. Pour elles, il s'agit d'une reconnaissance de la difficulté d'accéder à certains services ou à des utilisateurs dans des écosystèmes dominés par des pratiques déloyales.

La réaction positive de la "Little Tech" souligne le clivage croissant entre les géants mondiaux et les acteurs innovants européens. Ce soutien renforce la légitimité politique de la Commission européenne dans sa volonté d'encadrer les abus de position dominante.

Malgré les précautions prises pour présenter ces sanctions comme purement techniques, les conséquences géopolitiques ne peuvent être ignorées. À Washington, certains responsables américains dénoncent une décision politique déguisée, perçue comme un affront à la compétitivité de la tech américaine.

Dans le climat actuel de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, les nouvelles mesures européennes pourraient être interprétées comme une remise en cause de l'alliance transatlantique sur les enjeux technologiques. Le timing de ces sanctions, alors que Donald Trump multiplie les discours protectionnistes, pourrait alimenter les discours hostiles à l'Europe outre-Atlantique.

Trois scénarios d'évolution possible

1. L'apaisement coopératif : les entreprises concernées acceptent les amendes et adaptent leurs pratiques pour se conformer au DMA. Ce scénario, souhaité par Bruxelles, permettrait une clarification des règles sans entraîner de tensions diplomatiques majeures.
2. La confrontation juridique et politique : Apple et Meta contestent les sanctions devant la justice européenne, pendant que les autorités américaines évoquent des mesures de rétorsion économique. Une telle escalade pourrait éroder les discussions sur une approche transatlantique commune du numérique.
3. La fragmentation technologique : les géants du numérique adoptent une stratégie de différenciation régionale, créant des versions spécifiques de leurs services pour l'Europe. Cela pourrait entraîner une fragmentation accrue de l'internet mondial et renforcer l'idée d'une "souveraineté numérique" européenne, mais au prix de tensions commerciales durables.

Les sanctions infligées à Apple et Meta marquent un tournant dans la stratégie européenne de régulation du numérique. Elles traduisent une volonté de réaffirmer la place de l'Europe comme puissance normative dans un monde où la technologie devient un vecteur de souveraineté.

Reste à voir si cette offensive réglementaire renforcera le poids de l'Europe dans la gouvernance du numérique mondial, ou si elle entraînera une nouvelle polarisation entre les blocs technologiques en présence.